M04 Transatlas 2024 : de la vallée des Roses à la vallée Heureuse
Par Léon le samedi 15 juin 2024, 20:22 - Transatlas 2024 - Lien permanent
Chers amies et amis, merci pour vos messages et encouragements. Voici le compte-rendu de la suite du voyage en terre marocaine.
La route au jour le jour entre la vallée des roses et la vallée Heureuse
Première expérience de la piste marocaine
Le jeudi 16 mai, je quitte les amis de l'écolodge d'Almdoune vers la vallée du Dadès. Yassin m'a indiqué une piste raccourci vers cette vallée. A Bou Tharar, je suis rejoint par Antoine et Fanny rencontrés au lodge; avec eux je vais récupérer en voiture les objets cachés dans un tas de pierres, ce qui avait permis d'alléger un peu le poids des bagages à l'aller dans la vallée des roses. Merci à eux et me voilà en route par cette piste un peu difficile à cause des cailloux et des zones de sable. Merci au chauffeur qui m'a indiqué la bonne route à un endroit où j'allais me tromper...! Après avoir réussi à piloter ma monture sans trop de chutes, j'arrive dans la belle vallée luxuriante du Dadès. Le soir, n'ayant pas trouvé un endroit discret dans cette zone urbanisée pour planter ma tente, j'opte pour un camping attenant à un hôtel, avec une douche bienvenue.
Deux montées en épingle à cheveux
Après être passé par un très beau défilé entre les rochers, me voilà montant dans une série d'épingles à cheveux avec un nombre impressionnant de tournants. Vu d'en haut cela ressemble à certains cols en France. Montée toutefois facilitée par un bon revêtement. Au total cela vaut bien la montée de l'Alpe d'Huez... mais en ce qui me concerne pas avec un vélo de 7 kg comme les adeptes professionnels de la petite reine !
Arrivée au sommet d'un col de près de 3.000 mètres après plus de 20 km de travaux
Le samedi 18 mai me voilà embarqué dans un col en travaux "dont le sommet frise les 3000 mètres" m'avait prévu un restaurateur qui m'avait cuisiné des frites... hélas pas "belges" à mon goût ! Avant d'arriver aux travaux, un touriste allemand du haut de son 4x4 m'avait prévenu qu'il y aurait des engins de chantiers et des passages de cailloux et de sable. Il m'avait semblé être agacé par ces travaux sur une longueur de 20 km qui retardaient son planning et changeait quelque peu la couleur de son véhicule. Bien sûr j'ai dû puiser dans mes réserves pour, au bout de 4 heures d'effort, arriver au sommet et au macadam au moment où un couple franco-autrichien m'offrait de délicieux biscuits marocains.
Permettez-moi de vous exposer ici ma réflexion à propos de ces travaux et d'autres qui en Belgique ont déjà fait couler beaucoup d'encre. Ce col marocain n'était pas répertorié comme col routier sur la carte Michelin car considéré comme une piste vivement déconseillée en hiver (et oui tout le monde ne le sait pas mais il neige aussi au Maroc en hiver). Ces travaux vont permettre aux usagers nationaux et étrangers d'accéder à ce col plus facilement en toute saison. De la même manière que lorsque les travaux au carrefour Léonard à Bruxelles seront terminés (ce qui présuppose qu'ils ne soient pas sans cesse postposés satisfaisant ainsi les égos de certains politiciens et permettant aux média de remplir leurs pages et éditoriaux alors que l'actualité nationale et internationale ne manquent pas de sujets), les usagers - belges et étrangers - seront tous heureux de retrouver un itinéraire sécurisé. Mais entre nous ... une fois que les travaux (autour du fameux Léonard) seront terminés et que chacun pourra de nouveau se lever une heure plus tard, reprendre la voiture après avoir essayé le train (moyen de transport pourtant bien plus éco-responsable) combien prendront la peine de remercier ingénieurs, maîtres de travaux et ouvriers qui sur ces autoroutes risquent leur vie pour offrir aux usagers de bonnes conditions de circulation. Ici au Maroc, les ouvriers rencontrés sur ces chantiers poussiéreux et surchauffés par un soleil parfois trop généreux, ont toujours pris la peine de m'encourager et certains m'ont offert le thé sur le lieu même de leur travail... avec un sourire si éloigné des esprits chagrins et chagrigneurs entendus ces derniers temps. Qu'ils en soient remerciés ...
Vous avez dit chaleur ?
Dimanche 19 mai alors que je m'apprêtais à descendre durant 25 km, je m'étonnais que les ingénieurs marocains installent des canaux d'évacuation d'eau le long des routes de montagne, croyant que la pluie est rare dans ce pays, j'ai dû réviser mon jugement lorsque j'ai dû essuyer un gros orage. Pluie dure et très froide du style "flèche wallonne 2024". Heureusement j'avais vêtements adaptés, gants et cagoule pour affronter ces intempéries. De plus, frigorifié, je me réfugiai dans un hangar ouvert occupé par quelques ballots de foin et des hirondelles qui y ont élu domicile. Dans la vallée un peu plus loin, une famille m'offrait le thé pour me réchauffer. Ce soir-là ayant planté ma tente à l'écart de la route, bien vite un troupeau de chèvres fit son apparition. Ensuite bien sûr le petit berger qui me montra comment utiliser une sorte de fronde pour ramener les chèvres récalcitrantes au troupeau. Avec un coup sec qui détonne comme un coup de fusil !
Deux nuits bien différentes
La première, la tente dressée sur un chemin menant à une habitation en construction avec le seul passage d'une écolière rentrant de l'école. Une nuit qui s'annonçait paisible et réparatrice. Et bien que non ... c'était sans compter sur les innombrables chiens qui peuplent les villages environnants et qui se sont mis à aboyer une bonne partie - pour ne pas dire la totalité - de la nuit. Mais ils n'étaient pas les seuls. Des ânes - au nombre inconnu - se joignaient aux premiers pour agrémenter la nuit de leur cri caractéristique : en ce faisant, ces animaux par ailleurs si courageux et utiles pour un tas de transports, allaient chercher bien loin l'air nécessaire à ce bruit sourd et saccadé audible à des kilomètres à la ronde "à fé tronner leu vinte à tôt sketter" dirait en wallon notre ami Bernard Van Vynckt, "li flamin curé" de Marche-en-Famenne, digne successeur de Paul Malherbe "po les messes è wallon do londi dès fièsses di Wallonye à Nameur". Veuillez excuser mon piètre wallon surtout du point de vue orthographique. Je demanderai à mon ami Joseph Dewez (président des Relis Namurois) de réviser ma prose.
La seconde nuit le mardi 21 mai. Ayant voulu absolument arriver en haut d'un col avant la fin de la journée, je suis arrivé trop tard pour avoir le temps de trouver un endroit adéquat (calme, discret et plat pour monter la tente) si bien que j'ai dû me résoudre à demander à une famille la permission de bivouaquer derrière chez eux. Difficile: dans la famille approchée, la fille était opposée résolument alors que la maman hésitait. Je comprenais tout de leur désaccord même si je ne parle pas arabe. Finalement c'est le coeur de la seconde qui a gagné. Je montais la tente sous un arbre à l'arrière de la maison alors que "la dame rentrait ses blancs moutons même s'il n'y avait pas d'orage à l'horizon". Le chien de la famille quant à lui, était du même avis que la fille: il aboya toute une longue partie de la nuit... pour finalement au petit matin venir s'étendre non loin de moi en se taisant, ayant fini par comprendre que je n'étais plus un étranger. Dès que je montrai le nez en dehors de la tente, la maman m'apporta un plateau avec pain et lait ... de ses moutons qu'elle ne tarda pas à conduire vers les pâturages - visuellement pas aussi verts que dans les Pyrénées...! Puisse ce modeste témoignage d'accueil dans un village perdu de l'Atlas marocain inspirer positivement les Européens (dirigeants, futurs élu.e.s ... et - nous - électeurs) en ce qui concerne la problématique (certes complexe) de l'arrivée des migrants (certes nombreux) aux portes de la Méditerranée.
Une cathédrale au Maroc !
J'ignorais que le Maroc compte dans ses lieux à visiter un de ces joyaux de l'art roman ou gothique tels que Chartres, Amiens ou Reims. Mais il s'agit de tout autre chose: plus imposant et vieux de millions d'années. Un énorme rocher que j'ai eu le loisir de contempler bien avant d'arriver au pied de ce "monument" et encore de nombreuses heures en le quittant. Je passai deux nuits dans un camping afin d'avoir le loisir de randonner autour de cette « cathédrale ». Un grand merci à un berger de m'avoir remis sur le bon chemin. Au point culminant de ce tour qui dura finalement cinq heures, je tentai un chemin d'escalade mais très vite, en voyant que cela était réservé à des personnes expérimentées, je renonçai ... désireux de vous revoir à l'issue de cette Transatlas...
Une cathédrale en pierre au Maroc !
Un long "au revoir" à la cathédrale. J'ignorais en prenant le chemin vers la vallée heureuse, que ce "monument" allait rester visible (dans mon dos) durant des heures. En effet la route était non seulement dépourvue de macadam mais ne cessait de s'élever. Cela dura 11km interminables. Péniblement, je poussais ma monture ... et son chargement ! Les pneus sautaient sur les cailloux trop souvent mal placés. Mon pied glissait sur des graviers roulant comme des billes d'écolier. De temps en temps, un juron sortait de ma bouche fatiguée... dans la langue de Vondel, car il me semble que cela sonne mieux. Peu de rencontres : un Français perdu dès le départ faute de signalisation, un duo de rallymen Français dans une ancêtre Renault 25 ... soulevant inutilement de la poussière mais dont le chauffeur me rassura en m'informant qu'il n'y avait "plus que" 20 km dont la moitié de descente avant de retrouver le macadam, et une petite dizaine de camionnettes chargées d'une tonne de matériel et "par dessous tout" comme le chantait Bécaud, entre 15 et 20 passagers ... forcés - faute de place - de rester debout et de s'agripper les uns aux autres dans les tournants.
Après une nuit passée dans la tente installée sous un énorme rocher synclinal, avant d'atteindre la vallée Heureuse, laissez-moi vous dire - mais je crois que je finirai par vous lasser - que je me suis encore payé deux cols: un de 15 km (près de 4h sur la selle pour l'ascension) le dimanche 26 mai au nom très marocain de Tizi-Tbilissi et un de 8 km le lundi 27. Je vous épargnerai les chiffres mais vous dirai que j'ai fait une très belle rencontre d'un berger aux 100 chèvres occupant toute la largeur de la route.
J'espère que cela vous a plu de me suivre dans cette folle, dure mais combien enrichissante (au point de vue rencontres) épopée "transatlassienne"
Dans le prochain message je vous décrirai mes découvertes et rencontres ici dans la vallée Heureuse. Je suis arrivé hier lundi 27 mai en début d'après-midi, au gîte "des roses", accueilli par Mustapha, le souriant frère d'Oumar et de Yassin (voir message M03 – « Zen écolodge » d'Almdoune), son épouse, ses parents ... bien connus de mon amie Michèle Hicorne. Compte-rendu de leur accueil dans le prochain message.
En ce qui concerne l’accueil, j’ai passé une nuit chez un jeune prénommé Aïmad qui m'a accueilli dans sa minuscule maison de 10 mètres carrés. Une nuit dont je me souviendrai car "agrémentée" par une courte mais vite maîtrisée "turista". Merci au médicament marocain acheté préventivement à Ouarzazate
Léon Tillieux le « bienheureux » cyclo-randonneur arrivé dans la vallée Heureuse au Maroc.